Anniversaire

Text zwei Uebersetzer Rhyn 20140830

Franz in Fliegerkombi vor Me 109-F4

 

Capitaine Franz von Werra

Né le 13 juillet 1914, il fut confié à l’âge de 15 mois avec sa sœur Emma, de trois ans son ainée, à des parents nourriciers à Beuron près de Sigmaringen (Hohenzollern). Les deux enfants vécurent donc jusqu’à l’âge adulte auprès de Oswald et Louisa Carl-von Haber. Franz fit carrière comme pilote de chasse pendant la deuxième guerre mondiale en exécutant de nombreuses missions contre la Pologne, la France, l’Angleterre et la Russie. On le surnommait roi de l’évasion des camps de prisonniers anglais. Il est mort le 25 octobre 1941 comme capitaine et décoré de la Croix de Chevalier lors d’un vol de routine au-dessus de la mer du Nord, sans intervention ennemie. Panne de moteur de son Messerschmitt.

Ce récit relate un dialogue entre le pilote de chasse allemand Franz von Werra et son neveu Hans.

Il s’agit d’une fiction détachée de la réalité.

 

 

Hans

Cher oncle Franz, je te présente toutes mes félicitations pour ton anniversaire. Ce jour, 13 juillet 2014, cela fait cent ans que tu as vu le jour dans le Valais, en Suisse, comme fils d’un baron complètement appauvri.

 

Franz

Mon cher Hans, je suis ravi de constater que tu y aies pensé. De mon côté je ne m’en souviens pas. J’ai toujours vécu en Allemagne et passé ma jeunesse avec mes parents nourriciers à Beuron près de Sigmaringen (Hohenzollern) et à Cologne.

Mon premier souvenir date de mon quatrième anniversaire. J’ai reçu un grand cadeau, un poney vrai et vivant. Equipé de selle et de bride. Encadré de papa à ma droite et le palefrenier Ludwig à ma gauche j’ai traversé la cour et les champs moissonnés. Presque chaque jour, sûrement trois fois par semaine j’ai monté ensuite mon petit cheval à travers les bois et les champs avec mon père. Ce fut un grand plaisir. A environ cinq ans et demi j’ai possédé l’art équestre suffisamment pour sortir tout seul sur mon poney. Mes parents biologiques en Suisse ne m’intéressaient pas vraiment. Il a fallu que j’atteigne l’âge presque adulte pour apprendre que papa n’était pas mon père et maman pas ma mère. Je me sentais ressortissant allemand et aimais mes parents nourriciers, surtout mon père, un major prussien. Il était fermement décidé de faire de moi un « gars fier et droit ». Ce qu’il a fait.

 

Hans

Le fait que tu ne te souviennes pas de Loèche s’explique aisément: arrivé à Beuron comme nourrisson de quinze mois, Donaueck était ta maison familiale, Louisa von Haber ta mère et le major Oswald Carl ton père. Tu ne savais rien de ton origine.

A ta naissance tes parents se trouvèrent dans une misère épouvantable. Tu étais le septième enfant et le dernier-né. J’essaie souvent de m’imaginer de ne pas avoir l’argent pour nourrir sa descendance. A cette époque ta sœur ainée Marie-Louise vivait déjà dans la famille de l’organiste et musicien spirituel Ernest von Werra. Egalement en nourrice à Beuron. Sa femme Rosalie von Werra-Molitor avait des contacts avec tes parents nourriciers.

A Loèche on était confronté à une décision extrêmement grave. Avec des conséquences tragiques. Soit les deux cadets seraient confiés à l’orphelinat, soit ils iraient en Allemagne dans une maison de nobles où ils profiteraient d’une éducation conforme à leur état. Deux enfants du baron à l’orphelinat! Inimaginable.

Tes parents étaient mes grands-parents. Je les ai bien connus. Crois-moi, mon oncle, ta mère était une femme magnifique, intelligente et d’une contenance incroyable. « J’ai la nuit pour pleurer » m’a-t-elle confié un jour. La décision inévitable de laisser partir les deux cadets à Beuron leur a fait énormément de peine.

Raconte-mois plus sur ta vie à Beuron s’il te plaît.

 

Franz

Je vécus une jeunesse merveilleuse à Beuron. Le père Oswald m’a laissé beaucoup de liberté. Ce n’était pas le cas de ma grande sœur Charlotte. Notre mère, appelée maman et quelques fois Mamuschka, nous a enseigné l’honorabilité et les bonnes manières. Elle avait une attitude de haute éthique qu’elle nous a transmis. La mère Louisa avait décidé de faire de Lotte une fille de bonne famille et de la préparer pour un mariage convenable. Ce qui signifiait pour Charlotte de devoir étudier, en plus de l’enseignement de l’école, le français, langue de la noblesse et des diplomates. Il fallait potasser l’histoire. Subir des leçons de piano. Contrairement à la mienne, sa liberté était très restreinte. Que dis-je restreinte; Charlotte était jour et nuit sous contrôle et ne pouvait pas s’échapper de cette cage dorée. Jusqu’au jour où elle en avait assez. Elle ne supportait plus le régime sévère de la mère, de tricoter des bas noirs et d’apprendre les vocables incompréhensibles de l’affreuse langue française. Elle voulait se sauver. Fuir cette maison. Entamer une vie indépendante. Elle m’a persuadé de l’accompagner. L’idée me plaisait et nous imaginions un plan. Charlotte était l’élément moteur. Elle avait tout préparé. D’une façon ou d’une autre elle s’était procuré de l’argent. Organisé des provisions et deux bidons de thé.

 

Hans

Continue de raconter. Comment s’est passée la fuite ?

 

Franz

Nous étions vraiment des gamins. Mais Biwi savait planifier. Elle avait consulté un atlas et décidé : « Nous irons à Leverkusen! Nous y serons dans cinq heures ». A cinq heures de l’après-midi la maison était calme. Le premier rendez-vous eut lieu au pavillon du jardin. Lotte y avait caché nos chaussures de marche et un sac à dos. Nous changeâmes nos vêtements et remplirent le sac à dos. Vers les six heures nous partîmes. Au début tout allait bien. Après une heure Lotte proposa une halte. Nous prîmes le dîner. Il se mit à pleuvoir. Nous n’étions pas très bien équipés pour ce changement de temps. Nous trouvâmes abri dans une grange abandonnée. La nuit tomba. Nous n’avions pas de lampe. La pluie diminua. Nous avons dû arriver à Wermelskirchen au milieu de la nuit. Nous avions sous-estimé l’opération « départ pour Leverkusen ». Dans l’immédiat il fallait trouver un abri. L’église de la ville nous paraissait s’y prêter. Hélas, elle était fermée. Nous nous accroupissions vers le mur dans le parvis devant la porte et nous sentions assez perdus. Notre affaire avait mal tourné. Lotte commençait à raisonner. Il vaudrait peut-être mieux de faire demi-tour. Notre échange fut interrompu par le bruit d’une moto avec sidecar. Un policier descendait de sa selle. Il était en train de nous rechercher. Maman avait donné l’alerte. Nous devions monter. Lotte dans le sidecar, moi sur le siège arrière. Le policier a accéléré. C’était formidable que de filer ainsi à travers la campagne. L’air frôle les joues. Je découvris le plaisir du déplacement à grande vitesse. L’amusement était toutefois de courte durée. En descendant je murmurais à l’oreille de Biwi « prépare-toi à un sermon avec des conséquences ! ». A notre étonnement la joie régnait à la maison. On se réjouissait de nous avoir récupéré. Les parents s’étaient fait des reproches et avaient eu peur. On n’a pas beaucoup parlé de cette première fuite complètement ratée. Elle est passée aux oubliettes. J’en ai toutefois tiré la leçon qu’une fuite demande de la réflexion approfondie.

Comme je l’ai déjà fait remarquer je profitais de beaucoup plus de liberté que Lotte. C’est la vie à la ferme qui me procurait la plus grande liberté. Je m’y plaisais, je pouvais m’épanouir. Je devenais de plus en plus habile et entreprenant avec les chevaux. A côté du poney il y avait deux chevaux noirs à l’écurie qui se prêtaient parfaitement à l’équitation. Ils s’appelaient Lili et Lala. Evidemment un grand nombre de chevaux de trait étaient employés pour le travail des champs. J’étais à l’aise dans les écuries. Avec les palefreniers et l’autre personnel j’entretenais de bonnes relations. En équitation je devenais de plus en plus habile et audacieux. De temps à autre je sortais même seul à cheval. Nous deux, le cheval et moi, rentrions en sueur à l’écurie. Je me suis toujours occupé moi-même de mon cheval. Nous formions une unité. Aimions tous les deux la vitesse. Nous jouissions du plaisir partagé de voler à travers les champs. De vivre la vitesse était pour moi un bien précieux. Lorsque je pansais mon cheval et ami après les sorties, il m’est arrivé d’observer avec envie les pies qui planaient avec élégance d’un arbre à l’autre, se posaient sûres d’elles sur les cimes les plus hautes tout en chassant et bavardant entre elles.

La troisième dimension me manquait. Comme je comprenais les envies d’Icare. Comme je pouvais sentir le désir de Leonardo da Vinci de concevoir un objet volant. La vitesse au sol est plaisante, peut même être enivrante. Combien pourrait-elle être belle dans les airs. La vraie liberté de l’homme ne peut exister que s’il domine la troisième dimension.

 

Hans

Mon cher Franz, tu m’as raconté ta vie à l’air libre, à la ferme. Quelle était donc la vie que vous meniez dans la grande villa Donaueck, le siège historique des von Haber?

 

Franz

Tous les après-midi lorsque nous étions réunis tous les quatre à l’heure du thé ou du café dans un coin tranquille du salon dont les fenêtres offraient une large vue sur la vallée, je me sentais parfaitement à l’aise. Si agréablement rassuré. Chez moi. Papa nous parlait souvent de sa vie. De sa maison paternelle à Celle, du vaste parc qui s’étendait jusqu’à la rivière Leine. Un lieu de baignades pour lui et l’oncle Ernest.

Les devoirs d’école nous ont souvent donné l’occasion de l’amener à nous parler d’histoire et de géographie, des sujets dont il savait plus que je n’avais pu apprendre jusqu’à là. L’heure du thé devenait l’heure des narrations. Nous avons conservé ces récits du crépuscule pendant longtemps, même lorsque nous avions « diminué notre espace » en déménageant à la ferme et plus tard à Cologne quand je fréquentais déjà les classes supérieures du lycée.

J’ai vécu des moments exaltants lorsque nos parents faisaient de la musique ensemble. Quand maman sortait son violon et papa l’accompagnait au piano.

A les écouter dans le salon de musique me procurait un plaisir double : les meubles noirs et brillants, le piano à queue, les hauts rayons à livres, le bureau et les fauteuils devant le papier-tenture marron doré, les lourds rideaux rouges autour des fenêtres me restent inoubliables. Encore aujourd’hui je vois la couverture en soie du piano à queue brodée d’hérons dont j’avais ôté presque tous les yeux brillants.

La salle à manger lambrissée de blanc avait aussi un aspect festif. Les angles étaient arrondis par des vitrines garnies de récipients précieux et de cristaux gravés de scènes qui me faisaient rêver. Un grand miroir occupait l’espace entre les fenêtres du sol au plafond. Des chandeliers étaient accrochés aux parois. Ils étaient garnis de petits abat-jour en soie jaune.

Suivait un grand salon. Avec un merveilleux parquet au sol. Les meubles revêtus de brocart avaient des accoudoirs dorés. Des tables d’un brun lumineux aux lignes élégantes étaient des pièces de musée. Aux parois étaient accrochées des peintures sombres de paysages aux larges cadres dorés.

L’enfilade de pièces se terminait par un boudoir charmant aux rembourrages et coussins moelleux. Une terrasse longeait ces pièces dont la vue magnifique sur Beuron et la vallée du Danube impressionnait les visiteurs. La maison comptait quarante-deux pièces. J’en étais fier.

 

Hans

La vie consiste en une suite d’expériences qui peuvent nous servir plus tard.

Une autre question mon oncle. Quelle était en fait le nom de ta sœur, Emma, Charlotte, Lotte, Biwi ou Moritz et Mo ?

 

Franz

Les sobriquets étaient d’usage courant dans notre famille. Moi-même, le petit frère, fus Buschi pour les femmes mais toujours Franz pour papa. Charlotte était l’appellation officielle d’Emma. A l’école et dans la rue elle devenait Lotte. Biwi était une trouvaille de maman.

L’utilisation du nom de garçon Moritz est intéressante. Il était secret et utilisé uniquement entre nous. Nous deux seulement. Personne ne devait savoir et surtout ne pas s’en servir.

Dans le fond Lotte était du genre à activité physique. Elle aimait le sport et, comme moi, la vitesse. Ce qui ne correspondait pas du tout au concept d’éducation de maman. Elle voulait faire de Lotte une dame du monde. Le sport et encore plus la conduite automobile n’étaient pas des occupations pour des filles respectables. Lotte vivait en relation avec son corps. Habillée d’un maillot de bain elle aimait bouger à l’air libre, jouer et faire de la gymnastique. Elle adorait les bons sportifs. Nous avons souvent assisté, plus en cachette que autorisés, à des évènements sportifs et observions les athlètes. Le polo, l’escrime et la natation avaient notre préférence. C’est ainsi qu’elle rencontrait un jour Moritz Handrick. C’était un super-sportif. Un vrai Adonis. Il s’entraînait pour le Pentathlon. Lotte était éperdue de bonheur. Elle savait tout de lui. Elle admirait son corps athlétique. Il était son idéal, le sportif tout court, un héros !

J’allais mieux le connaître plus tard à l’école de sport et aussi comme pilote de l’armée de l’air.

A l’olympiade 1936 à Berlin il a décroché la médaille d’or. Une vraie performance. Sacré Moritz !

Lotte tenait un journal intime. Elle y collait toutes les images qu’elle pouvait trouver dans les illustrés et les journaux de sport. Elle suivait sa carrière à la radio. Connaissait tous ses résultats en natation, escrime, tir, équitation et course à pied.

A cette époque papa était déjà malade à mourir. Lotte était enthousiasmée de Moritz. J’étais le seul à être dans la confidence. Nous avions un secret en commun. Il m’offrait l’occasion de me moquer de son entichement. C’est à partir de là que je l’appelais souvent Moritz. Les surnoms devenaient une sorte de lien spirituel qui nous réunissait et nous protégeait des évènements déplaisants dans la famille Carl. La famille Carl s’était brisée dans le chaos des sentiments. Nous n’avions plus que nous deux. Ainsi je décidais de nous appeler désormais Moritz ou Mo et Buschi. A la mort de papa en automne 1933 nous restions seuls, dévoués l’un pour l’autre.

 

Hans

Tu es devenu célèbre dans notre famille lorsque Emma s’est déplacée à Loèche et nous a parlé de toi. Qu’est-ce-qui t’a incité à quitter l’Allemagne et de filer en Amérique ?

 

Franz

Cher Hans, tu ne peux pas t’imaginer dans quel gâchis s’était embourbé l’Allemagne. Tout comme notre famille. Le peuple s’appauvrissait. Misère et faim à perte de vue. La république de Weimar n’avait pas d’autorité politique. J’en avais assez de l’Allemagne. J’avais assez de ma famille qui ne l’était même pas et me couvrait de pieux mensonges. J’avais assez de la vie dans la misère. J’avais assez de l’Europe. Je voulais me sauver ! L’Amérique était le pays de la plus grande liberté de chaque citoyen. C’est là que je voulais aller. C’est là que je voulais refaire ma vie. Construire une vie à mon goût.

 

Hans

Et finalement tout s’est passé autrement. Après trois mois et demi passés comme passager clandestin tu te retrouvais à Hambourg sans jamais avoir mis le pied sur le sol américain. Retour à la case départ !

 

Franz

Mon cher neveu, j’étais réduit à néant. Je ne voulais plus retourner au lycée. Après Noël 1932 j’appris que Moritz et papa voulaient se marier. J’étais complètement seul. Pas de famille. En discorde avec maman et papa. Mo aussi n’était plus avec moi.

L’année suivante était mon année-catastrophe. L’année où tu es né et Hitler a pris le pouvoir. Je survivais grâce à des travaux occasionnels. Il n’y avait pas beaucoup à gagner. L’Allemagne était économiquement et politiquement par terre. Chômage, appauvrissement et un gouvernement incompétent sans aucune ligne de conduite. Une classe moyenne tombée dans la misère. Beaucoup désiraient le retour de l’empereur. L’Allemagne avait besoin d’un nouveau chef. Quelqu’un qui prendrait le pouvoir et nous sortirait de la boue. Je me sentais plus pitoyable que jamais. Ni avant ni après. J’avais 18 ans. Je ne possédais rien. Pas de vraie formation, pas de liaison, pas de diplôme, pas de relations, pas d’argent, pas de vrais amis, pas de chez-moi. Rien ! Je me débrouillais tant bien que mal. Un soir, j’avais marre de l’apitoiement sur moi-même. Je me suis ressaisi. Je m’inscris à l’école de sport de Hamm en Westphalie. Je voulais devenir enseignant de sport militaire et visais une carrière d’officier de l’armée. Ceci fait, je retrouvais ma volonté de vivre. Ce fut vraiment la seule possibilité de sortir de la situation économique impossible. Je ressentais une motivation formidable. J’ai réussi l’examen d’admission à l’école de sport. C’était le départ d’une carrière militaire. Enfin j’avais un but : rejoindre l’armée et l’arme la plus moderne, l’aviation. Cela a réussi. J’ai également passé avec succès l’admission dans l’aviation. J’étais désormais soldat. C’était au début de l’année 1934. L’année de crise 33 est effacée de ma mémoire.

 

Hans

Pour Emma aussi, une vie toute nouvelle commençait à cette même époque.

 

Franz

Oui. Gravement malade de la vésicule biliaire, papa est décédé vers la fin de 1933. Moritz et moi avons aménagé ensemble à Dortmund. Mais j’étais rarement avec elle. La formation de pilote et officier prenait de longues années de service avec peu de permissions. Pendant cette période de formation militaire Mo était mon soutien moral et financier. Nous ne nous sommes pas beaucoup vus mais avions des échanges écrits fréquents. Presque une lettre par semaine. Sans Mo je ne serais jamais devenu officier. De plus, les premières années sous Hitler ont apporté travail et prospérité. Nous avons à nouveau été pris au sérieux comme nation industrielle. On sentait le vent tourner vers un avenir comme au temps de l’empereur. Je flairais un futur prometteur. Cette guerre ne pouvait pas durer très longtemps. Puis viendra la paix et le départ pour de nouveaux rivages !

Mo avait un emploi de secrétaire et était indépendante. Elle a visité notre famille dans le Valais. Une famille lointaine en Suisse que je n’ai jamais connue et que je ne cherchai pas à connaître.

Il est vrai que notre pays se rétablissait. Les perspectives étaient superbes. J’étais pilote et apprenais à connaître les beautés de l’aviation. Enfin je possédais aussi la troisième dimension.

Qui n’a pas vécu cela, mon cher Hans, ne peut pas savoir combien la vie est exaltante dans les airs. Tu fais corps avec ta machine. Tu évolues librement tel un oiseau leste. Tu vis le plaisir suprême. D’effectuer des loopings et des Immelmann peut devenir une passion. C’est une ivresse. L’ivresse de voler ! Les merveilles qu’on rencontre entre ciel et terre sont grandioses.

 

Hans

Revenons à l’école de sport. Tu es devenu aviateur de combat. Quelle est la suite ?

 

Franz

La vraie motivation fut le contexte misérable dans lequel se trouvait l’Allemagne et moi-même. Il n’y avait plus que des gens pauvres. Indigence et pauvreté partout. Une situation insupportable. Comme je l’ai déjà dit : la seule chance d’échapper à ce dénuement était l’armée. C’est là et dans l’arme la plus moderne, l’aviation, que je voyais la promesse d’une carrière.

 

Hans

Ainsi tu devins officier de cette arme moderne, l’aviation.

 

Franz

Cela a toutefois pris quelques années. Pour être précis, depuis mon entrée à l’école de sport jusqu’à ma promotion au lieutenant se sont passées cinq années pleines. Je ne l’aurais pas réussi tout seul. Moritz fut mon soutien moral et financier. Sans elle je serais resté au niveau de technicien d’entretien. Je n’aurais pas vécu une seule heure de vol. Mo et moi étions très proches. Ainsi je devins pilote de chasse et heureux dans mon nouveau métier.

Comprends-moi bien, Hans. Pour la première fois j’étais autonome. Faisais partie de l’élite. Voyais un avenir ! Le Führer avait promis à tous les officiers décorés de la Croix de Chevalier une propriété dans l’est des régions conquises. Ce fut mon but, être propriétaire d’un domaine plus beau que celui de Beuron. Et une vie en paix ! De toute façon la guerre ne pouvait pas durer longtemps. Je devais me dépêcher d’obtenir la Croix de Chevalier. Mo était très fière de moi. Elle voulait à tout prix me voir persévérer, sachant que la formation n’était pas toujours drôle. Elle m’aidait surtout financièrement. Je fus toujours fauché comme les blés. Ne possédais aucun capital propre. La solde suffisait tout juste pour les premières nécessités. Je n’avais pas d’argent pour des achats plus importants. Il fallait financer beaucoup de choses par nous-mêmes. Des parties de l’uniforme, des livres, des cigarettes. Le tabac en faisait donc partie et devenait plus cher de jour en jour.

A m’en souvenir j’ai encore honte de la façon dont je mendiais auprès de ma sœur. Elle-même avait à peine de quoi survivre. Pour elle ma carrière d’officier avait tant d’importance qu’elle se restreignait au minimum vital et me soutenait avec ses économies. C’était le seul être humain qui se préoccupait de mon sort.

 

Hans

Quand tu te présentais enfin dans ton uniforme tout neuf vous étiez tous les deux très fiers et très heureux.

 

Franz

En effet. Je ne sais pas lequel de nous était plus heureux. Mo était carrément enthousiaste. Elle aimait les soldats en uniforme, surtout les officiers.

 

Hans

Voilà ce qu’elle a hérité de sa mère. Pour grand-mère tous les officiers étaient des héros. Des hommes qui assuraient la sécurité des femmes et des enfants. J’ai pu faire moi-même l’expérience de son penchant. Nous étions stationnés à Turtmann, le terrain des avions Mirage tout près de Loèche. Un soir j’ai fait une visite surprise à ta mère. Je venais d’être promu capitaine et j’étais accompagné d’adjudants. Ce fut une fête pour elle. Elle se précipitait à la cave. Allait vite chez le boulanger. Nous servait un dîner à la vitesse de l’éclair. Etant la fille d’un officier et petite-fille d’un général elle savait faire face lorsque ces Messieurs se présentaient. Ta famille valaisanne, cher Franz, comptait beaucoup d’officiers dans ses rangs.

 

Franz

Je fus vraiment très fier d’avoir atteint le premier but de ma carrière. Mo savait me faire avancer et demandait beaucoup. Elle me stimulait. J’entamais la réalisation de mon avenir. Puisque je faisais désormais partie de l’élite. Mon prochain objectif était l’obtention de la Croix de Chevalier.

 

Hans

Or tout s’est passé autrement. Tu as obtenu la Croix de Chevalier. Mais tu n’as pas vu la fin de la guerre. Mon cher oncle, honnêtement, sans Hitler tu n’aurais jamais atteint ta notoriété. Etais-tu un Nazi ? Pour notre parenté, tous ceux qui servaient l’armée et participaient à la deuxième guerre mondiale étaient des Nazis.

 

Franz

Nous y voilà, mon cher neveu. Pour être bref : non, je ne fus pas un Nazi. Je n’épousais pas cette manière de penser, ne faisais partie ni de la jeunesse hitlérienne ni du parti. Dans le fond la politique ne m’a jamais intéressée. La guerre était pour moi une occasion de prouver mes capacités. Nous fûmes les chevaliers du ciel. Nous-autres pilotes ne nous intéressions ni à la puissance ni au pouvoir. Les théories de Hitler ne nous ont jamais vraiment convaincus. Comme pilotes de chasse il n’y avait que la lutte d’homme à homme. Le meilleur survit.

Bien sûr nous avions connaissance de la terreur des SS et des camps de concentration. Bien sûr nous étions un élément important de la propagande national-socialiste. Il était plaisant d’être traité en héros. Il était même très agréable de faire partie de l’élite de pointe et d’être honoré et admiré en conséquence. Le prestige de notre arme et la conscience d’en faire partie était très motivant pour nous tous dans l’aviation. Pour moi il s’agissait en plus de la patrie. Je suis un allemand convaincu. Nous avions souffert terriblement après la première guerre mondiale. Cela devait changer. Je voulais m’y engager. Lorsque la diplomatie échoue on passe à la guerre. C’était toujours ainsi. Toutes les nations avaient des armées et des états major généraux. La guerre était le seul moyen de l’Allemagne de regagner son honneur perdu. C’était le prix du rétablissement de notre patrie. J’étais prêt à le payer.

 

Hans

Autour de l’année 1985 j’ai rencontré un homme d’un certain âge lors d’un voyage d’affaires. Lui aussi avait été pilote de chasse. Il avait volé dans ton escadrille. Il m’a beaucoup parlé de toi et de lui-même. C’était un entrepreneur brillant qui me disait littéralement «Grâce à dieu nous avons été transportés comme prisonniers de guerre au Canada en 1941. Ainsi nous avons survécu à la guerre. Et pouvions ensuite construire une carrière dans la république fédérale. » De ton côté, par ton évasion d’un train en marche et la traversée aventureuse du fleuve St. Laurent tu as renoncé à la protection de prisonnier de guerre. Etait-ce pour la patrie ou pour Hitler ?

 

Franz

J’étais soldat. J’avais prêté serment au drapeau. Je voulais et devais retourner au front. On y avait besoin de moi pour sauver la patrie.

 

Hans

Toutefois, de retour à la patrie tu as été retiré du front et déplacé sur le terrain d’aviation de Katwijk aux Pays Bas.

 

Franz

Mon cher, Hans, ce fut une grande déception. Nous étions loin des évènements guerriers. Nous n’avions rien d’important à faire. On s’ennuyait ferme. Il ne se passait rien aux Pays Bas. Pourquoi je traîne par ici sans aucune utilité ? Etais-je trop naïf, trop crédule ? J’ai commencé à mettre en question l’ensemble du régime de Hitler. C’est à Katwijk que je me suis posé la question terrible : « Est-ce-que tout cela est défendable devant ma conscience ? ». A dire vrai, non.

Je me suis alors souvenu d’avoir un propre frère qui vivait tout près, à La Haye. Je voulais m’entretenir avec lui.

 

Hans

C’était le 24 octobre 1941 que tu nous as rendu visite au 557, Vlierboomstraat. J’avais huit ans et fus choqué par la visite d’un officier allemand. Vous n’étiez pas du tout aimé aux Pays Bas.

 

Franz

Laisse-moi raconter.

Je me souviens que, assez méfiant, tu restais à l’arrière-plan. Pour moi, cette rencontre fut un grand évènement. Dès le premier instant il était clair qu’il s’agissait de mon frère. Pas besoin de papiers pour le prouver. Il me semblait me regarder dans un miroir, tant la ressemblance était manifeste. Non seulement physique d’ailleurs, mais aussi mentale. Nous avions tous les deux le même tempérament aventureux. Notre rencontre a duré deux ou trois heures. Voilà que je trouve, après 27 ans, mon frère ainé Ingace, mon vrai propre frère. J’ai un frère et j’ai fait sa connaissance. De la sœur Thérèse j’avais fait la connaissance trois ans auparavant en Allemagne. C’étaient des parents consanguins, des parties de ma famille. D’une famille dont on m’avait toujours privé. Je fus très touché. Nous nous sommes entendus, Ingace et moi, de faire mieux connaissance. Je voulais également connaître ma belle-sœur et mes deux neveux. En premier, nous avons convenu d’une fête à l’ »Hôtel des Indes » à La Haye le samedi soir suivant. J’amènerai des camarades et on fera la fête.

 

Hans

As-tu pris conscience de tout ça après avoir fait la connaissance de mon père ? De quoi aviez-vous vraiment parlé ? Quatre jours plus tard tu t’es écrasé. Lors d’un vol de patrouille parfaitement inoffensif. Vous étiez une double-patrouille, sans ennemi tout alentour. Incompréhensible. L’oncle Franz, décoré de la Croix de Chevalier avec plus de 20 adversaires détruits s’abîme dans la mer du Nord sans raison. Etait-ce du sabotage ? Voulait-on se débarrasser de toi de façon élégante ? « Cet héros nous est devenu trop dangereux, il faut qu’il disparaisse » !

 

Franz

Dans les premières années de mon engagement tout faisait penser à une guerre éclair. Une brève passe d’armes – la grande Allemagne – la paix et me voilà gentleman farmer. Ce fut ma motivation. Je me prenais pour un héros , un casse-cou, un aventurier qui réussit tout ce qu’il entreprend. Toutes les tentatives d’évasion des camps de prisonniers de guerre et le retour à travers la moitié du globe étaient motivés par l’aventurisme et l’amour de la patrie. Je fus très fier d’avoir été reçu par Hitler lui-même et deux huiles de l’armée, les feld-maréchaux Keitel et Jodl, pour déjeuner. De recevoir la Croix de Chevalier de Hitler en personne était un honneur très particulier. Tous ces éloges en grande pompe m’ont laissé derrière la tête un mauvais sentiment. Quelque chose n’allait pas. Juste avant le dessert j’ai brusquement réalisé : « Ce Hitler est malade. Hautement psychotique ! ». Son intention de sauver l’Allemagne n’est qu’un prétexte. Il est dépendant, esclave de son besoin de puissance illimitée, d’omnipotence. A n’importe quel prix.

De retour sur le front russe avec mon escadrille j’oubliai ces idées sombres. Toutefois quelque chose avait changé dans mon for intérieur. Lors de de ma visite chez Hitler une cassure s’est produite, quelque chose s’est brisée.

J’en pris vraiment conscience lorsqu’on m’a retiré brusquement du front. L’histoire du nouveau Messerschmitt Me 109-F4 était un mauvais prétexte. La promesse du poste de pilote d’essai en chef pour ce nouveau modèle était un mensonge. On voulait m’éloigner des combats. Dans aucun cas je ne devais être fait prisonnier une deuxième fois. Je savais trop de choses. Trop sur l’ennemi. Trop sur nous. Je représentai un trop grand risque et me fis renvoyer à Katwijk sans hésitation.

Ainsi je me trouvais au Pays Bas avec mon escadrille. Nous n’avions pas de véritables ordres de mission. Un gaspillage ridicule de personnel et de matériel.

Nous eûmes le temps de réfléchir. Pour ma part, je pris mon temps et méditais sur ma vie. Mentalement je vécus une énorme baisse. C’était la même misère que celle d’avant mon service militaire. J’avais joui de la vénération du héros. Maintenant je me sens exploité. Dès le début, Hitler m’avait joué la comédie, une mauvaise farce. Il ne s’agissait pas de la patrie. On m’avait leurré honteusement. Je fus une pièce de la machine à propagande de Goebbels. Je n’étais pas un héros, mais une marionnette. Accroché à ses fils tirés par des mégalomanes. C’était la raison pour laquelle mon évasion aventureuse via l’Amérique et l’Afrique fut gardée secrète. Que personne ne devait savoir que j’étais de retour à Berlin. Que mon livre relatant mes expériences dans la captivité anglaise ne fut pas publié. Non parce qu’il était trop anglophile et pas assez aryen, comme me l’avait fait savoir un lecteur de l’éditeur confidentiellement. Les angliches étaient vraiment plus fort que nous en matière d’interrogation. C’est pourquoi je fus retiré du front et casé sur une voie de garage. Mis en quarantaine comme risque trop important ! La réception chez le Führer fut également une mise en scène. Faisait partie de cette stratégie de mise à l’écart. La visite chez ton père à La Haye m’a donné la dernière impulsion. Une fois de plus dans ma vie on m’avait menti, mystifié, dupé, abusé et trompé.

Je ne pouvais plus assister aux agissements de Hitler, ne plus les soutenir. En quittant Ingace pour retourner sur le terrain d’aviation j’ai clairement compris : je ne peux plus être de la partie. Il ne reste que le retrait définitif.

Après plus de septante ans je veux dévoiler le secret. Ce 25 octobre je fus très énervé. J’étais bouleversé. Je tournais en rond dans la baraque. J’invectivais l’équipe au sol. Je n’étais pas moi-même.

Avec une intention définitive en tête j’ordonnais un vol de contrôle en double-patrouille au-dessus de la mer du Nord.

Les camarades me regardaient d’un œil hagard. Généralement nous utilisions qu’une seule machine pour une mission aussi risiblement simple. Je pouvais le lire sur leurs visages : « Voilà le vieux qui déraille ! ». « Tant pis, partons à quatre ». Ainsi nous nous promenâmes à 1500 mètres au-dessus de la mer du Nord.

Aucun ennemi de près ou de loin. Ni en l’air ni en mer. Le grand calme. Juste un vent quelque peu rude. Après trois quart d’heure je coupai le moteur manuellement. Le message à la radio : « Mon moteur est fichu. Essaie un atterrissage forcé ». Pour donner une note réaliste, je mettais mon zinc en vrille et faisais semblant d’en sortir avec le parachute. En réalité nous foncions dans la mer, ma chère machine et moi.

Encore aujourd’hui je suis fier de l’humour noir dans mon dernier message radio : « Rudement froid pour se baigner, non ? »

 

Hans

En fait, mon cher oncle, il y a eu deux âmes dans ta personnalité. La première était celle du casse-cou, aventurier, évadé et réalisateur téméraire. La deuxième celle d’ un homme sensible, ami honnête et séduisant avec une petite tendance à la naïveté. Un homme sympathique, émotionnel et cordial qui, dans son genre touchant, s’ouvrait facilement à ses partenaires.

Je vais t’inclure dans la galerie d’ancêtres de notre famille. A côté du général Wolff et du colonel Caspar-Ingace von Werra. Tu y feras bonne figure là aussi. Tu es des nôtres. Il était agréable de bavarder avec toi. Ce fut un échange intéressant.

 

Litérature complémentaire :

Sebastian Haffner         „Von Bismark zu Hitler“ Ein Rückblick. 1987 Kindler Verlag GmbH München ISBN: 3-463-40003-0

Kendal Burt                                  „The one that got away“ [Einer kam durch] 1956 Collins with Michael Joseph, London.

Wilfried Meichtry         „Du und ich – ewig eins“2006 Ammann Verlag & Co Zürich

ISBN: 3-250-30019-5

Wilfried Meichtry         „Die Walliser Adelsfamilie von Werra“ Bern-Leuk 2001 Doktorarbeit bei Frau Professor Beatrix Mesmer, Philosophisch-historische Fakultät der Universität Bern

Werner Schweizer        „VON WERRA“ Film auf DVD. 1 Stunde 44 Minuten. Xenix 21022 Dschoint Ventschr Filmproduktion Zürich 2002

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Croissance

 

J’ai fait un rêve. Il s’est agi de croissance économique.
De bons humains vivent dans un beau pays. Le pays est une seule montagne. Elle ressemble au Mont Cervin. Les habitants de ce beau pays sont obligés de se mouvoir. Celui qui ne bouge pas va mourir. Ces gens escaladent donc la montagne continuellement, lentement et calmement. Leur prospérité économique s’accroît à chaque mètre d’altitude gagné. De temps à autre ils sont obligés de descendre quelque peu pour pouvoir monter. Logiquement, dans ce cas la prospérité baisse. Pendant des décennies ces créatures montent régulièrement de plus en plus haut. Elles ne cessent de s’enrichir. Finalement ils arrivent tout en haut. La montagne n’a pas de sommet. Le randonneur atteint un vaste haut plateau. On y dispose de toute liberté de mouvement. Mais il n’y a plus de croissance. Ni d’augmentation de la richesse. Le plateau offre une vue magnifique. Ils découvrent au loin une montagne plus haute et plus belle. Un autre peuple l’escalade calmement et de bonne humeur. On observe une nouvelle croissance dans un cadre nouveau.

Je me retourne dans mon lit. Ouvre un œil. Le rêve est fini. Je le revois en pensées.
Ces humains sur le premier haut plateau seraient-ils prêt à descendre pour conquérir un nouveau domaine inconnu? La première montagne correspond à l’économie de hier, ancienne, connue et assez sclérosée. La deuxième montagne par contre représente une économie nouvelle et prometteuse, rafraîchie par une restructuration conséquente. Les gens sont-ils prêts à descendre, de renoncer à l’acquis? D’abandonner le patrimoine? Prennent-ils le risque de quitter un environnement qui leur est familier pour s’attaquer à un objectif tout nouveau et inconnu? Sont-ils réellement disposés d’accepter une diminution de leur bien-être?
Ils y sont indéniablement forcés s’ils veulent créer de la croissance nouvelle. En auront-ils la force? Pour franchir ce pas, faut-il de la pression externe? Un poids de souffrance?
Ce rêve ne paraît pas si irréel que ça. Si nous voulons obtenir une croissance économique impétueuse, nous ne pouvons pas éviter des sacrifices importants pour partir vers de nouveaux rivages.

 

 

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Wachstum

Ich hatte einen Traum. Es ging um Wirtschaftswachstum.
Gute Menschen leben in einem schönen Land. Das Land besteht aus einem einzigen Berg. Der gleicht dem Matterhorn. Die Bewohner des schönen Landes müssen immer in Bewegung bleiben. Wer still steht, stirbt. Darum erklimmen diese Landsleute stetig, ruhig und langsam den Berg. Mit jedem gewonnenen Höhenmeter wächst ihr wirtschaftlicher Wohlstand. Bisweilen müssen sie, um höher zu kommen, kurzfristig etwas absteigen. Verständlicherweise geschieht das Gegenteil, der Wohlstand verringert sich. Während Jahrzehnte steigen diese Geschöpfe gleichmässig immer höher. Sie werden immer reicher. Eines Tages sind sie oben angekommen. Der Berg hat keinen Gipfel. Zuoberst erreicht der Wanderer eine weite Hochebene. Die Bergbewohner können sich dort immer noch gut bewegen. Aber es gibt kein Wachstum mehr. Keine Zunahme des Reichtums mehr.
Das Plateau erlaubt eine wunderbare Weitsicht. In der Ferne entdecken sie einen noch höheren, noch schöneren Berg. Ganz am Fusse besteigt frohgemut ein anderes Volk in aller Ruhe den Höhenzug. Neues Wachstum in einem neuen Umfeld ist zu beobachten.

Ich drehe mich im Bette um. Mache ein Auge auf. Der Traum ist aus. Ich gehe ihn in Gedanken noch einmal durch.
Wären die Menschen auf dem ersten Hochland wohl bereit hinunter zu steigen, um ein neues unbekanntes Wirtschaftsfeld zu erobern? Der erste Berg stellt in hohem Grade die alte, bekannte, ziemlich verkrustete Volkswirtschaft von gestern dar. Der neue Berg hingegen bedeutet eine neue, durch einen kräftigen Strukturwandel aufgefrischte, viel versprechende Ökonomie. Sind die Leute bereit abzusteigen, auf ihr Erreichtes zu verzichten? Den Besitzstand auf zu geben? Gehen sie das Risiko ein, eine wohlvertraute Umwelt zu verlassen, etwas völlig Neues, Unbekanntes in Angriff zu nehmen? Sind sie wirklich empfänglich einen Abbau ihres Wohlstands in Kauf zu nehmen?
Sie müssen es fraglos tun, um neues Wachstum zu schaffen. Haben sie die Kraft dazu? Braucht es zu diesem Schritt Druck von aussen? Leidensdruck?

Dieser Traum scheint gar nicht so unwirklich. Wenn schwungvolles Wirtschaftswachstum wichtig ist, kommen wir nicht umhin Opfer zu bringen, um nach neuen Ufern aufzubrechen.

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