Mon ami Hans Rhyn à St. Siméon [France] a de nouveau fait une traduction de mon dernière article sur l’accélération. Un travail de toute première classe, un vrai d’œuvre d’art. Je lui suis très reconnaissant pour ce grand boulot . In a trouver le style exact pour exprimer ce que j’avais écrit en allemand. Merci beaucoup, Hans
Voici son texte :
Accélération
Depuis le temps de mes études à l’école polytechnique fédérale de Zürich je suis membre de la société du musée (Museumsgesellschaft). C’est là que je suis tombé sur une nouvelle édition du livre de Stefan Zweig « Les Très Riches Heures de l’humanité », ces douze miniatures d’évènements marquants qui ont fait époque depuis la découverte du nouveau monde. Il y décrit le rythme nouveau.
Pendant des milliers et peut-être centaines de milliers d’années que l’homme peuple la terre il n’y a pas eu d’autre critère de la vitesse de locomotion que le déplacement du cheval, la roue tournante, le bateau à voiles ou à rames. Aucune accélération perceptible du rythme du mouvement ne s’est produite. Les armées de Wallenstein ne progressaient guère plus vite que les légions de César. Les troupes de Napoléon n’avançaient pas plus rapidement que les hordes de Genghis Khan. Les corvettes de Nelson ne traversaient les mers à peine plus vite que les navires de pillage des Vikings ou les vaisseaux de commerce des Phéniciens. Goethe ne voyage pas plus confortablement ni plus rapidement au dix-huitième siècle que l’apôtre Paul au début du millénaire.
C’est seulement au dix-neuvième siècle que la vitesse de déplacement terrestre change fondamentalement. La révolution industrielle prend son élan. Dans ses premier et deuxième décennies les peuples et pays s’approchent davantage que pendant les millénaires précédents. Les chemins de fer et les bateaux à vapeur réduisent les journées de voyage en quarts d’heures et minutes. Ces moyens de transport multiplient les vitesses connues par cinq, dix ou vingt. L’homme était encore capable de vivre ces miracles techniques et de les saisir par ses sens.
Parfaitement inattendues mais énormes dans leurs conséquences apparaissent alors les performances de l’électricité, énergie qui bouscule toutes les lois connues jusque-là. De la tige d’ambre qui, hier encore, pouvait tout juste attirer quelques grains de sable, on passe à une énergie qui multiplie par des millions et des milliards la force musculaire de l’homme et sa vitesse. Portant des messages, mettant en mouvement des trains, éclairant rues et habitations, créant une nouvelle vie. Cette découverte a modifié la relation espace/temps de la façon la plus décisive depuis la création du monde. La perception de l’humain, ses sens, ont été complètement pris au dépourvu.
Cette première accélération dans la vie quotidienne a produit la révolution industrielle. Les conséquences de cette transformation fondamentale et durable des conditions de vie sont comparables à celles du passage du cueilleur-chasseur nomade à l’agriculteur sédentaire. Le progrès technique a provoqué une modification majeure de l’économie. Le symbole de l’apparition progressive d’une certaine prospérité est la machine à vapeur, la source de la transformation et la production d’énergie.
Une petite pause de réflexion.
Pas d’accélération pendant cent-mille ans. Un accroissement explosif de la vitesse les derniers 200 ans, la révolution industrielle. Dans les derniers deux décennies nous ressentons une autre augmentation de la vitesse. Cette nouvelle accélération est le précurseur de la révolution numérique. Ordinateur, navigation astronautique, Internet et robots se mettent en place. Une nouvelle société d’une complexité incalculable se crée à une allure vertigineuse. Aucun pays de la terre n’est prêt à affronter ce qui nous attend.
Quelle est la suite? Des métiers nouveaux se créent. Des places de travail indépendantes du lieu géographique sont courantes. Il y a de plus en plus de métiers de service. De moins en moins de travaux mécaniques sont exécutés par l’humain. De nouvelles formes de famille se développent. L’éducation scolaire est en révolution. La société se modifie visiblement. Tout devient plus turbulent, plus chaotique. Surtout, il y a plus de transparence. La question de ce qui relève de la sphère privée ou non est discutée en permanence. Des actions de plus en plus personnelles sont plus fréquemment effectuées en publique – et beaucoup de contemporains y prennent part avec enthousiasme. Des instantanés privés qui pâlissaient autrefois au grenier dans des boîtes à chaussures sont désormais exposés sur les plateformes photo d’internet aux yeux du monde par millions. Les amis sont présents en permanence par le portable dans notre poche. Etre seul avec soi-même n’est plus de mise. En janvier 2010 déjà, ce fait a été annoncé par Mark Zuckerberg, le créateur de Facebook.
Une autre observation symbolise la transformation de notre société: la disparition progressive des cabines téléphoniques. La sphère privée se corrode. D’une part on exige un accès ouvert aux informations. D’autre part, les gens se soucient du contrôle de leurs données personnelles par des étrangers et craignent les Clouds et autres Dropbox.
Je me souviens d’un récit de la littérature de science fiction. Le sujet: tout le monde pouvait lire les pensées des autres. Il n’y a plus de secrets. La possibilité de garder des pensées pour soi-même a disparu. Le mensonge aussi n’est plus possible. La quintessence: à l’âge de vingt ans l’homme meurt et l’humanité disparaît. L’être humain ne peut pas vivre sans sa sphère d’intimité privée.
Sous cet aspect, la protection des données informatiques prend toute son importance. Dans ce 21. siècle la sphère privée est devenu publique. Si le Cloud met à disposition plus d’informations sur l’individu que ce dernier ne peut jamais obtenir, il s’agit d’un problème sérieux. Dans un monde où tout est numérisé qui peut l’être, la vie doit être apprise avec soin.
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