Promenade de Pâques
Les glaçons ne retiennent plus captive l’eau
des ruisseaux et des torrents ;
au léger souffle du printemps , la terre s’amollit ,
les vallées reverdissent , l’espérance renaît.
Le vieil hiver, s’en va cacher sa décrépitude
sur les sommets escarpes des montagnes.
Là , vainement il s’en toure de neiges et de frimats ;
le morne coup d’œil, qu’il jette en fuyant sur le gazon des prairies ,
est une arme impuissante ;
le soleil ne souifre rien de blanc sous ses rayons.
Partout le mouvement , partout la vie ; il embellit ,
il colore toutes choses.
On n’aperçoit pas encore de fleurs dans la campagne :
prendrait-il pour des fleurs tous ces hommes chamarres ?Mais détournons nos regards de ces collines ,
et voyons ce qui se passe du côte de la ville.
Hors des portes obscures et profondes
se pousse ime multitude
de gens diversement vêtus.
Avec quel empres sement chacun court
aujourd’hui se réchauffer aux rayons du soleil !
Ils fêtent bien la résurrection du Seigneur ,
car ils sont eux-mêmes ressuscites :
échappés aux sombres Appartements
de leurs maisons basses ,
aux liens de leurs habitudes vulgaires et de leurs vils trafics ,
aux toits et aux plafonds qui les écrasent ,
à leurs rues sales et étranglées ,
aux ténèbres mystérieuses de leurs églises ;
tous , ils renaissent à la lumière.
Vois donc , avec quelle précipitation
la foule se disperse dans les jardins et dans les campagnes.
Vois , que de barques joyeuses des pendent et remontent le fleuve en tous sens
et cette dernière qui suit le fil de l’eau ,
chargée à couler bas!
Il n’est pas jusqu’aux sentiers lointains de la montagne ,
qui ne brillent de Téclat des vêtements.
Mon oreille distingue déjà le bruit tumultueux du village :
voilà le vrai paradis du peuple ;
grands et petits , tous bondissent de joie :
ici je me sens homme , ici j’ose l’être.
Faust
Tragédie
de M. de Goethe
Première partie
Devant la porte de la ville
traduite par M.A. Stapfer, Bruxelles 1828
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